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« Dutroux est un malade incurable »

Dernière mise à jour : 19 janv.



18/01/2020

Marc Verwilghen, ex-président de la commission d'enquête sur l'affaire Dutroux, ne s'est plus exprimé depuis longtemps. Aujourd'hui, âgé de 67 ans, il sort de sa réserve. L'omniprésence de Me Bruno Dayez dans les médias l'interpelle. L'avocat appelle, en effet, à la libération conditionnelle de son client, Marc Dutroux, pour 2021. Or, pour Marc Verwilghen, Dutroux est « un malade incurable » .

La mémoire intacte concernant le fait divers qui a traumatisé la Belgique, l'ancien ministre va plus loin : il affirme qu'il existe un réseau de pédophilie en Belgique. Un réseau qu'on aurait pu, selon lui, démanteler dans la foulée de l'affaire Dutroux. Ce dossier judiciaire « bâclé » et victime d'un « enterrement de première classe » . Entretien.

Avec 20 ans de recul, comment analysez-vous l'opposition qui a eu lieu entre « les croyants » et « non-croyants » en l'existence d'un réseau pédophile en Belgique ?

«Je n'aime pas termes ces. Cela n'a aucun sens. Puis, je dois dire que ce sont des classifications qui n'ont pas du tout été introduites par la commission d'enquête parlementaire, par aucun des membres. Cependant, ce sont des notions qui ont vu la lumière chez troistypes de personnes : chez certains enquêteurs, chez certains magistrats et chez certains journalistes. Malheureusement, l'impact de ces trois genres de personnes et de cette notion a été que tout le monde a été catalogué, soit dans un camp, soit dans un autre. Soyons clairs : cette notion de 'croyance' est apparue lorsque certains enquêteurs ont préconisé une stratégie de gestion du dossier. Ils se sont vite rendu compte que c'était un dossier extrêmement important. Ils ont fait le choix délibéré de dire 'si l'affaire devient trop compliquée, nous ne serons plus en mesure de la manager'. C'est pour cette raison qu'ils ont décrété qu'il n'y avait pas de réseau, que Dutroux était un prédateur isolé. Voilà. L'histoire était terminée !

L'affaire at-elle été bâclée, selon vous ?

« Oui. Ce sont certains enquêteurs, souvent placés à des postes-clés, qui se sont occupés de forger un dossier alors que ce n'était pas leur tâche, ni leur droit. Le seul qui pouvait le faire était le juge d'instruction. Et pour certains magistrats, c'était la même chose. Ceux-ci ont, pour des raisons de simplification et de simplicité, suivi cette piste qui a été apportée par les enquêteurs.

Par exemple ?

« Le juge Langlois, qui menait l'enquête, s'est laissé influencer par ces enquêteurs en question. L'opinion publique, elle, a été forgée par la plupart des journalistes entre 'non-croyants' et 'croyants'. Cette opposition était maladive entre journalistes. D'ailleurs, cette opposition aurait été tout à fait évitable si tout le monde avait fait son travail correctement.

Récemment, l'ex-procureur Michel Bourlet regrettait dans La DH que le « dossier Bis » ait été classé. Qu'en pensez-vous ?

«Je le regrette aussi. C'est un scandale ! C'est le grand reproche que j'ai toujours fait à l'entièreté de l'enquête : certaines parties de cette enquête, qui pouvaient nous donner une réponse ou clôturer une certaine piste, n'ont jamais été abordées. Notamment les traces et cheveux retrouvés dans la cache et la voiture de Dutroux ! On pouvait facilement continuer l'enquête avec ces ADN. Mais on a choisi la loi du moindre effort.

On a saucissonné le dossier : d'une part, le volet 'Dutroux, pervers isolé' et tout ce qui découlait de la théorie a été envoyé à la poubelle à travers le dossier Bis. Immédiatement, j'ai prédit l'enterrement de première classe du dossier Bis. Rien que la création de ce dossier bis était la preuve qu'on ne voulait pas aller plus loin sur l'affaire 'Nihoul, Dutroux&consort', qu'on n'a pas eu le désir de continuer. Et qu'on ne me dise pas que c'était trop de travail, une perte de temps et d'argent, etc. Ce sont des excuses trop faciles ! Il s'agissait simplement de travailler jusqu'au bout. Mais je constate que c'est trop demander en Belgique. On n'a pas voulu continuer jusqu'au bout. C'est ce qui s'est passé. On ne saura jamais la vérité car on n'a pas enquêté, notamment à l'aide de sources scientifiques comme l'ADN, qui a été mon cheval de bataille quand j'ai été ministre de la Justice.

Donc, selon vous, il aurait fallu aller au bout du dossier Bis.

« Oui ! Une des recommandations de la commission était justement d'investir davantage dans l'ADN, d'ouvrir une banque de données avec laquelle on aurait pu exploiter beaucoup plus de pistes. On aurait eu ainsi beaucoup plus de possibilités, soit de clôturer certaines pistes, soit de creuser d'autres plus en profondeur. Cela, à omis du faire. Le dossier Bis ne méritait pas du tout d'être 'liquidé' de cette façon-là. C'est inacceptable, même, d'un point de vue judiciaire.

On vous a envoyé plein de regrets…

« Oui. Après autant d'années, beaucoup de choses me heurtent encore. Marc Dutroux n'a pas agi par hasard… Il y a trop de flou qui demeure dans cette affaire.

Quelle est votre conviction intime : Dutroux est un prédateur isolé ou existe-t-il un réseau de pédophilie en Belgique ?

«Je n'ai pas d'intime conviction. Mais, d'une manière générale, il devrait être aveugle pour ne pas croire qu'il n'y a aucun réseau de pédophilie en Belgique. Dans tous les pays, à travers le monde, sur démantèle des réseaux pédophiles. En Allemagne, en Hollande, en France, au Royaume-Uni, etc. Et en Belgique il n'y aurait rien ? Allons, allons. Soyons sérieux : la Belgique est une plaque tournante de la traite d'êtres humains, de la pédophilie et du trafic de pédopornographie. Maintes affaires l'ont démontré.

D'ailleurs sur l'affaire Dutroux, j'observe que Dutroux n'était pas un prédateur unique. La cour d'assises d'Arlon a établi qu'il s'agissait d'une association de malfaiteurs. C'était donc déjà un réseau ! Alors ce réseau était-il plus grand ? On n'en saura jamais rien puisque nous n'avons pas continué l'enquête. Nous n'avons pas exploité les pistes alors que cela était nécessaire !”

Marc Dutroux va être examiné par un collège d'experts psychiatres en vue d'une éventuelle libération conditionnelle. Leurs conclusions sont attendues pour mai prochain. Pensez-vous que Dutroux puisse se réinsérer dans la société ?

"Non. C'est un malade incurable. J'en ai parlé longuement avec des experts internationaux. Un tel profil n'est pas guérissable. Puis, j'avoue que lorsque j'ai parcouru le dossier pénal du bonhomme, j'ai constaté à quel point il est incapable d'arrêter sa carrière criminelle. J'espère que les experts qui vont l'analyser seront clairvoyants. Dutroux est un polycriminel, récidiviste. Son parcours en matière de délits sexuels est hallucinant ! Et donne froid dans le dos…”

Qui est responsable du fiasco qu'a été l'affaire Dutroux ?

« La conclusion du rapport de la commission est claire, et je le confirme 20 ans après : les délits sont partagés entre la police, la gendarmerie, les magistrats et le monde politique. Certaines politiques n'ont pas bougé face à l'importance de l'affaire. Sans faire de généralité, je note que, dans la société, c'est souvent comme cela : il ya des gens sérieux et compétents, et puis des tire-au-flanc. Le peuple sait que Dutroux n'a pas agi par hasard.

Aurore Van Opstal Marc Verwilghen, ex-président de la commission d'enquête sur l'affaire Dutroux, ne s'est plus exprimé depuis longtemps. Aujourd'hui, âgé de 67 ans, il sort de sa réserve. L'omniprésence de Me Bruno Dayez dans les médias l'interpelle. L'avocat appelle, en effet, à la libération conditionnelle de son client, Marc Dutroux, pour 2021. Or, pour Marc Verwilghen, Dutroux est « un malade incurable » .

La mémoire intacte concernant le fait divers qui a traumatisé la Belgique, l'ancien ministre va plus loin : il affirme qu'il existe un réseau de pédophilie en Belgique. Un réseau qu'on aurait pu, selon lui, démanteler dans la foulée de l'affaire Dutroux. Ce dossier judiciaire « bâclé » et victime d'un « enterrement de première classe » . Entretien.

Avec 20 ans de recul, comment analysez-vous l'opposition qui a eu lieu entre « les croyants » et « non-croyants » en l'existence d'un réseau pédophile en Belgique ?

«Je n'aime pas termes ces. Cela n'a aucun sens. Puis, je dois dire que ce sont des classifications qui n'ont pas du tout été introduites par la commission d'enquête parlementaire, par aucun des membres. Cependant, ce sont des notions qui ont vu la lumière chez troistypes de personnes : chez certains enquêteurs, chez certains magistrats et chez certains journalistes. Malheureusement, l'impact de ces trois genres de personnes et de cette notion a été que tout le monde a été catalogué, soit dans un camp, soit dans un autre. Soyons clairs : cette notion de 'croyance' est apparue lorsque certains enquêteurs ont préconisé une stratégie de gestion du dossier. Ils se sont vite rendu compte que c'était un dossier extrêmement important. Ils ont fait le choix délibéré de dire 'si l'affaire devient trop compliquée, nous ne serons plus en mesure de la manager'. C'est pour cette raison qu'ils ont décrété qu'il n'y avait pas de réseau, que Dutroux était un prédateur isolé. Voilà. L'histoire était terminée !

L'affaire at-elle été bâclée, selon vous ?

« Oui. Ce sont certains enquêteurs, souvent placés à des postes-clés, qui se sont occupés de forger un dossier alors que ce n'était pas leur tâche, ni leur droit. Le seul qui pouvait le faire était le juge d'instruction. Et pour certains magistrats, c'était la même chose. Ceux-ci ont, pour des raisons de simplification et de simplicité, suivi cette piste qui a été apportée par les enquêteurs.

Par exemple ?

« Le juge Langlois, qui menait l'enquête, s'est laissé influencer par ces enquêteurs en question. L'opinion publique, elle, a été forgée par la plupart des journalistes entre 'non-croyants' et 'croyants'. Cette opposition était maladive entre journalistes. D'ailleurs, cette opposition aurait été tout à fait évitable si tout le monde avait fait son travail correctement.

Récemment, l'ex-procureur Michel Bourlet regrettait dans La DH que le « dossier Bis » ait été classé. Qu'en pensez-vous ?

«Je le regrette aussi. C'est un scandale ! C'est le grand reproche que j'ai toujours fait à l'entièreté de l'enquête : certaines parties de cette enquête, qui pouvaient nous donner une réponse ou clôturer une certaine piste, n'ont jamais été abordées. Notamment les traces et cheveux retrouvés dans la cache et la voiture de Dutroux ! On pouvait facilement continuer l'enquête avec ces ADN. Mais on a choisi la loi du moindre effort.

On a saucissonné le dossier : d'une part, le volet 'Dutroux, pervers isolé' et tout ce qui découlait de la théorie a été envoyé à la poubelle à travers le dossier Bis. Immédiatement, j'ai prédit l'enterrement de première classe du dossier Bis. Rien que la création de ce dossier bis était la preuve qu'on ne voulait pas aller plus loin sur l'affaire 'Nihoul, Dutroux&consort', qu'on n'a pas eu le désir de continuer. Et qu'on ne me dise pas que c'était trop de travail, une perte de temps et d'argent, etc. Ce sont des excuses trop faciles ! Il s'agissait simplement de travailler jusqu'au bout. Mais je constate que c'est trop demander en Belgique. On n'a pas voulu continuer jusqu'au bout. C'est ce qui s'est passé. On ne saura jamais la vérité car on n'a pas enquêté, notamment à l'aide de sources scientifiques comme l'ADN, qui a été mon cheval de bataille quand j'ai été ministre de la Justice.

Donc, selon vous, il aurait fallu aller au bout du dossier Bis.

« Oui ! Une des recommandations de la commission était justement d'investir davantage dans l'ADN, d'ouvrir une banque de données avec laquelle on aurait pu exploiter beaucoup plus de pistes. On aurait eu ainsi beaucoup plus de possibilités, soit de clôturer certaines pistes, soit de creuser d'autres plus en profondeur. Cela, à omis du faire. Le dossier Bis ne méritait pas du tout d'être 'liquidé' de cette façon-là. C'est inacceptable, même, d'un point de vue judiciaire.

On vous a envoyé plein de regrets…

« Oui. Après autant d'années, beaucoup de choses me heurtent encore. Marc Dutroux n'a pas agi par hasard… Il y a trop de flou qui demeure dans cette affaire.

Quelle est votre conviction intime : Dutroux est un prédateur isolé ou existe-t-il un réseau de pédophilie en Belgique ?

«Je n'ai pas d'intime conviction. Mais, d'une manière générale, il devrait être aveugle pour ne pas croire qu'il n'y a aucun réseau de pédophilie en Belgique. Dans tous les pays, à travers le monde, sur démantèle des réseaux pédophiles. En Allemagne, en Hollande, en France, au Royaume-Uni, etc. Et en Belgique il n'y aurait rien ? Allons, allons. Soyons sérieux : la Belgique est une plaque tournante de la traite d'êtres humains, de la pédophilie et du trafic de pédopornographie. Maintes affaires l'ont démontré.

D'ailleurs sur l'affaire Dutroux, j'observe que Dutroux n'était pas un prédateur unique. La cour d'assises d'Arlon a établi qu'il s'agissait d'une association de malfaiteurs. C'était donc déjà un réseau ! Alors ce réseau était-il plus grand ? On n'en saura jamais rien puisque nous n'avons pas continué l'enquête. Nous n'avons pas exploité les pistes alors que cela était nécessaire !”

Marc Dutroux va être examiné par un collège d'experts psychiatres en vue d'une éventuelle libération conditionnelle. Leurs conclusions sont attendues pour mai prochain. Pensez-vous que Dutroux puisse se réinsérer dans la société ?

"Non. C'est un malade incurable. J'en ai parlé longuement avec des experts internationaux. Un tel profil n'est pas guérissable. Puis, j'avoue que lorsque j'ai parcouru le dossier pénal du bonhomme, j'ai constaté à quel point il est incapable d'arrêter sa carrière criminelle. J'espère que les experts qui vont l'analyser seront clairvoyants. Dutroux est un polycriminel, récidiviste. Son parcours en matière de délits sexuels est hallucinant ! Et donne froid dans le dos…”

Qui est responsable du fiasco qu'a été l'affaire Dutroux ?

« La conclusion du rapport de la commission est claire, et je le confirme 20 ans après : les délits sont partagés entre la police, la gendarmerie, les magistrats et le monde politique. Certaines politiques n'ont pas bougé face à l'importance de l'affaire. Sans faire de généralité, je note que, dans la société, c'est souvent comme cela : il ya des gens sérieux et compétents, et puis des tire-au-flanc. Le peuple sait que Dutroux n'a pas agi par hasard.

Aurore Van Opstal

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